Auteur : Division Afrique Human Rights Watch
Organisation affiliée : Human Rights Watch
Type de publication : Note d’information
Date de publication : Février 2021
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Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
Human Rights Watch (HRW) a l’honneur de présenter cette note d’information à l’Union africaine dans le but de contribuer à ses efforts en matière de protection des droits humains et des libertés fondamentales sur le continent africain. Ce document s’appuie sur les enseignements tirés des recherches menées par HRW, ainsi que des travaux réalisés par la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples afin de promouvoir la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
- Défis relatifs aux droits humains en Afrique subsaharienne
Dans un contexte marqué par la pandémie mondiale du Covid-19, 2020 a été une année difficile pour l’Afrique. Des élections générales ont eu lieu dans plus d’une dizaine de pays, dont un grand nombre ont été entachées de violence. À travers le continent, les premières victimes des crises humanitaires et des droits humains ont été les populations civiles, notamment du fait du conflit continu dans la région éthiopienne du Tigré.
Les conflits armés et la violence communautaire se poursuivent dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne, notamment au Burkina Faso, au Cameroun, au Mali, au Mozambique, au Niger, au Nigeria, en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, en Somalie et au Soudan du Sud. Des groupes armés non étatiques et des membres des forces gouvernementales ont été impliqués dans des massacres, des meurtres ciblés et des viols, ainsi que dans des incendies et des pillages visant des villages. Sans oublier les enlèvements, les recrutements forcés, les attaques ciblant des élèves et des enseignants et l’occupation illégale d’établissements scolaires. Certaines forces gouvernementales ont également été impliquées dans de graves atteintes aux droits humains alors qu’elles menaient des opérations de lutte contre le terrorisme ; elles s’en sont notamment prises à des minorités ethniques et ont bafoué les droits d’expression, d’association et de rassemblement pacifique au nom de la sécurité nationale.
L’UA devrait promouvoir et mettre en œuvre des mécanismes judiciaires africains afin de faire progresser le concept de reddition des comptes en cas de crimes graves et d’atteintes au droit international et de permettre aux victimes d’accéder à une justice crédible
Il est par ailleurs primordial que des progrès soient réalisés en matière de justice rendue pour les crimes graves afin d’encourager le respect de l’Etat de droit, des droits humains et des institutions démocratiques. Toutefois, les États africains, qui ont été les premiers à accuser la CPI de « parti pris » à l’encontre des dirigeants africains, et ce, alors que la plupart des affaires jugées par la Cour sont des requêtes émanant d’États membres de l’Union africaine, n’ont pas fourni d’alternatives pour une justice pénale nationale ou hybride. Conformément au principe qu’elle revendique de longue date, à savoir « Des solutions africaines à des problèmes africains », l’UA devrait promouvoir et mettre en œuvre des mécanismes judiciaires africains afin de faire progresser le concept de reddition des comptes en cas de crimes graves et d’atteintes au droit international et de permettre aux victimes d’accéder à une justice crédible.
À cet égard, l’UA devrait exhorter la Guinée à démarrer le procès tant attendu des auteurs du massacre commis dans un stade guinéen en 2009. Le Soudan devrait coopérer avec la CPI dans son enquête et sa poursuite en justice des auteurs de crimes commis au Darfour, conformément à la résolution 1593 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le Soudan du Sud devrait instaurer une cour hybride, et la République démocratique du Congo devrait renforcer ses capacités internes à juger les délits graves commis dans le pays au cours des dernières décennies.
Les mesures d’urgence associées au Covid-19 ont également servi de prétexte à certains gouvernements pour restreindre les droits civils et politiques, notamment en Guinée, en Ouganda et en Tanzanie, où les autorités ont militarisé la pandémie afin de réprimer les manifestations populaires et de harceler les politiciens de l’opposition et leurs partisans, ainsi que les journalistes et les activistes
On constate un manque de transparence dans la gestion, par un grand nombre de gouvernements, des fonds qui leur ont été octroyés pour soutenir leur réponse au Covid-19, d’où des allégations de corruption. La pandémie a également mis en évidence d’importantes lacunes au niveau des services sanitaires et des services de santé et de protection sociale, soulignant combien il est important que les gouvernements africains réalisent des investissements significatifs pour améliorer l’accès à des soins de santé de qualité ainsi qu’à l’eau et à l’assainissement. Les mesures d’urgence associées au Covid-19 ont également servi de prétexte à certains gouvernements pour restreindre les droits civils et politiques, notamment en Guinée, en Ouganda et en Tanzanie, où les autorités ont militarisé la pandémie afin de réprimer les manifestations populaires et de harceler les politiciens de l’opposition et leurs partisans, ainsi que les journalistes et les activistes.
Il est important de noter que la résolution 449 sur les droits de l’homme et des peuples de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) réaffirme que les droits humains sont un pilier central des efforts consentis par les États pour répondre à l’impact social, économique et politique de la pandémie du Covid-19 et se redresser.
· Principales recommandations à l’attention des dirigeants de l’Union africaine
1. Surveillance régionale de la situation des droits humains et engagements militaires
- Promouvoir des stratégies de lutte contre le terrorisme respectueuses des droits humains, en condamnant ouvertement les abus commis par les forces de sécurité et en imposant des sanctions aux individus qui bafouent les droits.
- En collaboration avec la CADHP, accroître la présence de spécialistes des droits humains dans les missions africaines de lutte contre le terrorisme et veiller à ce que les accords de coopération relatifs aux opérations de lutte contre le terrorisme comprennent des clauses spécifiques énonçant les normes en matière de droits humains telles que la Politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme de l’ONU.
- En collaboration avec les partenaires internationaux, exhorter les États membres à apporter dans les moindres délais un recours adéquat aux victimes civiles d’atteintes au droit de la guerre en instaurant un dispositif de paiement de réparations à l’attention des victimes civiles et des victimes de dégâts matériels.
2. Droits humains et gouvernance
- Accorder la priorité à un agenda des droits humains en renforçant l’indépendance du mandat des institutions africaines de défense des droits humains et en veillant à ce que les États membres n’interviennent dans le fonctionnement d’aucune institution régionale de défense des droits humains.
- Accroître les pressions diplomatiques et exhorter publiquement les États membres à prendre des mesures rapides, crédibles et impartiales pour enquêter sur les allégations de meurtres, de passages à tabac et d’attaques perpétrés dans le contexte électoral par les forces de sécurité, et veiller à demander des comptes aux responsables.
- Conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, aux Lignes directrices pour le maintien de l’ordre par les agents chargés de l’application des lois lors des réunions en Afrique de la CADHP ainsi que de l’initiative « Faire taire les armes » de l’UA, exhorter les institutions des gouvernements africains à passer en revue et réévaluer leurs institutions militaires et de sécurité pour s’assurer qu’elles respectent et promeuvent pleinement les droits humains et ne portent pas atteinte à la liberté d’expression et d’association, et à vérifier que les partis politiques et les organisations de la société civile peuvent opérer librement et de manière indépendante.
3. Justice et obligation de rendre des comptes
- Appuyer les mesures propices à l’obligation de rendre des comptes en intentant des procès équitables et crédibles à l’encontre des principaux individus responsables des atrocités de masse et d’autres atteintes graves aux droits humains, y compris en mettant en œuvre des mécanismes spécialisés dédiés à l’obligation de rendre des comptes tels que le Tribunal hybride pour le Soudan du Sud.
- Avec le soutien des partenaires internationaux, appuyer l’instauration d’un régime de sanctions dirigé par l’UA comprenant l’imposition d’une interdiction de déplacement et d’un gel de leurs avoirs aux responsables d’atteintes graves et persistantes aux droits humains.
- Appuyer la pleine mise en œuvre de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples en encourageant tous les États parties au Protocole à faire une déclaration reconnaissant que la Cour a compétence à recevoir des requêtes émanant d’ONG et de particuliers.
4. Engagements multilatéraux axés sur les droits
- Étendre et appuyer la feuille de route UA-ONU d’Addis-Abeba afin de renforcer la collaboration entre mécanismes régionaux dédiés à l’obligation de rendre des comptes tels que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.
- Appuyer un agenda général dédié aux droits humains au sein de l’architecture de paix et de sécurité de l’UA en investissant dans l’élaboration d’outils performants de gestion et de prévention du conflit ainsi que dans des réponses aux crises émergentes qui soient axées sur les droits.
- Encourager un dialogue plus soutenu sur les questions relatives aux droits humains entre les blocs économiques et les organisations sous-régionales de défense des droits humains. Promouvoir publiquement le soutien apporté par l’UA aux institutions nationales de défense des droits humains et aux organisations de la société civile.
5. Stratégies fondées sur les droits pour lutter contre le Covid-19
- Veiller à ce que les plans nationaux et locaux de réponse au Covid-19 tiennent compte de l’impact de la pandémie sur les femmes et les filles. Élaborer des réponses adaptées en consultation avec les organisations de défense des droits des femmes et des filles et octroyer les ressources nécessaires.
- S’assurer que les plans nationaux et locaux de réponse au Covid-19 tiennent compte de l’impact de la pandémie sur les personnes atteintes d’un handicap, y compris les enfants handicapés, ainsi que sur les personnes âgées, étant donné l’impact du Covid-19 sur ces groupes.
- Prendre des mesures concrètes, au niveau de l’UA et de ses États membres, pour veiller à ce que la fabrication et la distribution des vaccins contre le Covid-19 se déroulent de manière juste, équitable et transparente.
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