Auteur : ONU SIDA
Type de publication : Rapport
Année de publication : 2020
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Quarante années de réponse à l’épidémie de VIH ont généré une expérience significative ainsi que des enseignements quant à l’importance d’une approche basée sur les droits humains afin d’assurer des réponses efficaces et équilibrées à l’épidémie. Il est en particulier nécessaire de mettre en place une réponse éclairée et axée sur la communauté, une réponse empreinte de solidarité et de gentillesse, qui donne la priorité aux personnes les plus vulnérables et qui permet aux personnes de prendre des mesures pour se protéger et protéger les autres du virus. De la même manière, les mesures rapides ne doivent pas être rendues inefficaces par des inégalités existantes, un manque d’informations et des obstacles associés au coût, à la stigmatisation, à la vie privée et aux préoccupations relatives à l’emploi et à la subsistance.
L’ONUSIDA a consulté le Groupe de référence sur le VIH et les droits de l’homme, des experts de la société civile, des experts académiques et de la santé publique, ainsi que d’autres agences des Nations Unies afin d’identifier les enseignements clés tirés de la réponse au VIH qui sont d’une importance capitale pour assurer une réponse éclairée par des données probantes et efficace à une épidémie. Les principes et considérations ci-dessous relatifs à une approche basée sur les droits et axée sur la communauté pour lutter contre l’épidémie de COVID-19 s’appuient sur les résultats de ces consultations.
Les droits humains dans le contexte d’une épidémie – que cela signifie-t-il en réalité ?
- Les communautes au centre
- Les communautés doivent être impliquées dans les prises de décisions, la gouvernance et de la surveillance
L’histoire de l’épidémie du VIH a permis d’établir clairement que toute réponse ne sera efficace que si les communautés touchées sont impliquées de manière constructive dans son développement, sa mise en œuvre et sa surveillance. Les gouvernements doivent s’assurer qu’en développant une quelconque réponse, y compris les restrictions relatives aux déplacements ou les régimes de test, les communautés soient à la table de gouvernance et fassent partie de l’équipe déterminant le caractère adéquat et l’efficacité, et pas simplement au début, mais à toutes les étapes de la réponse, compte tenu de la nécessité que les réponses évoluent et s’adaptent à des environnements changeant constamment.
Les communautés concernées doivent inclure celles qui sont les plus susceptibles d’être touchées par l’épidémie. Cela peut être le cas parce qu’elles sont elles-mêmes vulnérables au virus, comme par exemple les personnels soignants, les personnes âgées ou les personnes présentant des affections préexistantes ; ou parce qu’elles sont moins susceptibles de prendre des mesures pour se protéger ou accéder aux services, comme par exemple les prisonniers, les personnes nomades, les personnes sans domicile fixe ou vivant dans des habitations informelles, les populations exposées ou les personnes vivant avec un handicap particulier ; ou enfin parce que les structures sociales, économiques et politiques existantes signifient qu’elles peuvent être indirectement touchées, par exemple par les rôles traditionnels de genre des soignants ou parce qu’elles sont en situation de travail précaire.
Les États doivent s’assurer que les communautés se voient confiées les informations dont elles ont besoin pour se protéger elles-mêmes et aider les autres. Les lignes de communication doivent être ouvertes pour recevoir les retours de la communauté
Dans le cadre de la préparation à une épidémie, les membres des communautés généralement considérés comme étant plus vulnérables à une épidémie doivent avoir une place à la table de gouvernance. Dès les premières phases de l’épidémie, des mesures doivent être prises pour identifier d’autres populations à risque et s’assurer que les membres de ces communautés soient équitablement représentés dans les discussions en cours et les prises de décisions.
- Des communautés autonomisées sont essentielles pour une réponse efficace
Les communautés jouent également un rôle essentiel dans la réponse proprement dite. Les responsables communautaires, y compris les responsables d’organisations confessionnelles, peuvent jouer un rôle dans la diffusion d’informations exactes, en prévenant la panique et en se confrontant à la stigmatisation et la discrimination. Lorsque les écoles ferment ou que les individus sont priés de se mettre en confinement, les communautés doivent s’assurer qu’elles disposent de ressources alimentaires et médicales et que les enfants sont pris en charge.
Elles sont en mesure de surveiller la réponse sur le terrain, de voir comment elle touche les groupes vulnérables et de porter les problèmes à l’attention du gouvernement et des prestataires de services. Pour ce faire, elles doivent avoir accès à des informations transparentes et précises ainsi qu’aux représentants du gouvernement afin de garder le dialogue ouvert et de signaler leurs préoccupations.
Les États doivent s’assurer que les communautés se voient confiées les informations dont elles ont besoin pour se protéger elles-mêmes et aider les autres. Les lignes de communication doivent être ouvertes pour recevoir les retours de la communauté. Les responsables communautaires doivent être recrutés pour diffuser les informations.
- Garantir l’accès aux informations et la liberté de parole
Ce n’est qu’avec des informations correctes et facilement accessibles sur les modes de transmission du VIH et les moyens de prévention que nous avons un espoir de venir à bout de cette épidémie d’ici à 2030. Il en va de même pour toute épidémie : les individus doivent recevoir tous les moyens nécessaires pour protéger leur santé et obtenir de l’aide le cas échéant. Les professionnels de la santé publique ont également besoin d’informations ponctuelles et précises afin de pouvoir agir rapidement et efficacement. Les responsables communautaires sont souvent les mieux placés pour assurer la diffusion des informations et rassurer. Toutes ces mesures ne sont possibles que si les informations sont échangées librement et sont exactes.
Bien que la communication de l’incertitude et du risque dans le cadre de la réponse aux préoccupations publiques puisse être une difficulté, ne pas le faire pourrait donner lieu à une série de résultats, y compris une perte de confiance et de réputation, des impacts économiques et, dans le pire des cas, une perte de vies humaines. L’une des interventions les plus importantes et les plus efficaces dans toute réponse de santé publique est de communiquer de manière proactive ce qui est connu, ce qui est inconnu et ce qui est fait pour obtenir davantage d’informations, avec pour objectifs de sauver des vies et de minimiser les conséquences néfastes.
Les individus ont également le droit d’être protégés contre les fausses informations ou les informations trompeuses. En cette période de « fake news » et de leur diffusion rapide sur les réseaux sociaux, les gouvernements, les médias, les communautés et le secteur privé doivent s’efforcer d’identifier et de traiter rapidement les fausses informations et les informations trompeuses.
L’une des interventions les plus importantes et les plus efficaces dans toute réponse de santé publique est de communiquer de manière proactive ce qui est connu, ce qui est inconnu et ce qui est fait pour obtenir davantage d’informations, avec pour objectifs de sauver des vies et de minimiser les conséquences néfastes
Alors que les limitations temporelles des droits peuvent être invoquées dans certaines circonstances, l’expérience acquise dans le cadre de l’épidémie du VIH a montré qu’aucune situation de santé publique ne justifie la limitation de la liberté d’expression ou de l’accès aux informations. Il est important de noter que cela ne s’applique pas aux restrictions relatives à la propagation des « fake news« , de la désinformation qui n’est pas protégée au titre du droit relatif aux droits humains.
- Égalité, stigmatisation et discrimination
- Prendre des mesures pour réduire et lutter contre la stigmatisation et la discrimination des personnes, des communautés et des nationalités
Les gouvernements doivent travailler pour prévenir la création d’opinions ou d’attitudes stigmatisantes, à la fois dans les environnements de soins de santé et de manière plus élargie, et doivent travailler pour lutter contre de telles attitudes lorsqu’elles se présentent. Selon l’expérience de l’ONUSIDA, une telle stigmatisation ne sert qu’à isoler les individus et les communautés, et finit par menacer la réussite de toute réponse.
L’association du virus à une région, une nationalité, une race voire même une ville particulière a également provoqué une hausse du racisme, de la xénophobie et même de la stigmatisation des régions et villes locales. Cela peut, à son tour, donner lieu à des comportements discriminatoires, isoler davantage des individus et des communautés ou, à l’inverse, enfreindre la vie privée des individus, ce qui impacte dans tous les cas leur santé mentale et leur accès aux services et, dans certains cas, la réelle menace de violences.
Dans toute épidémie, la discrimination dans la prestation de soins ou le refus de traiter une personne sur la base de sa nationalité, son pays d’origine, son assurance maladie insuffisante, son statut socioéconomique ou tout autre statut prive une personne de services de santé critiques, mais met également la santé des autres en danger et affaiblit la réponse globale.
- La vie privée des individus doit être préservée
Chacun, quelle que soit son origine ethnique, sa nationalité, son genre et sa profession, doit avoir la garantie que ses informations personnelles sensibles, y compris son nom, son diagnostic et ses antécédents médicaux, soient traitées avec le plus grand soin et la plus grande confidentialité par le gouvernement, les personnels soignants et les entités publiques.
La vie privée des individus doit être préservée à tout moment. Les gouvernements doivent donner des consignes aux médias, aux autorités policières et autres, selon lesquelles les identités et les informations des individus ne doivent pas être divulguées sans leur autorisation.
- Les inégalités existantes signifient que l’épidémie peut affecter davantage certains groupes en particulier
Le virus et les réponses gouvernementales peuvent être à l’origine de formes indirectes de discrimination. Les épidémies exacerbent souvent les inégalités existantes dans la société. Les personnes étant déjà marginalisées et vulnérables sont alors les plus touchées, soit directement soit indirectement, par une épidémie.
Par exemple, les personnes qui ne peuvent pas se permettre de bénéficier de soins de santé sont plus susceptibles d’éviter d’être testées pour le virus. Les personnes en détention ont très peu de contrôle sur l’accès aux services de santé. Dans les habitations informelles ou les communautés n’ayant pas librement accès à l’eau courante ou au savon, il est quasiment impossible de se laver les mains et de se mettre en confinement sans un apport significatif de ressources.
- Garantir le droit à la santé est notre meilleure défense contre les épidémies mondiales
- Les gouvernements doivent travailler pour s’assurer que toutes les ressources sont mobilisées, des infrastructures de santé publique aux dépistages et tests accessibles et de qualité, en passant par les soins hospitaliers, afin de prévenir, de traiter et de contrôler les épidémies
Les obligations des gouvernements en vertu du droit à la santé consistent à s’assurer que des services et des informations de santé soient accessibles, acceptables, disponibles et de qualité, et les infrastructures de santé publique nécessaires existent et soient pourvues en ressources suffisantes (dans la mesure des ressources disponibles sur le plan local et international), afin de répondre aux besoins de santé de la communauté, y compris dans le cadre de la prévention, du traitement et du contrôle des épidémies.
Les paiements personnels ne doivent pas être un obstacle pour accéder aux tests, qui devraient être disponibles gratuitement ou au moins à un prix abordable pour tout le monde
Tous les pays doivent, dans la mesure des ressources domestiques et internationales disponibles, renforcer la capacité de soins de santé afin que des services de dépistage et de test solides sur le plan scientifique soient non seulement disponibles mais aussi accessibles et abordables pour les personnes qui en ont besoin. Les paiements personnels ne doivent pas être un obstacle pour accéder aux tests, qui devraient être disponibles gratuitement ou au moins à un prix abordable pour tout le monde.
Les populations les plus vulnérables doivent être identifiées d’une manière non stigmatisante et les efforts doivent être adaptés pour atteindre les populations difficiles d’accès et leur fournir des soins. Les pays doivent s’assurer que les professionnels de santé disposent des informations nécessaires pour donner la priorité aux communautés et aux individus tels que les femmes, les personnes vivant dans la pauvreté, les personnes souffrant de maladies existantes, les personnes basées dans des zones rurales, les populations exposées, les personnes présentant un handicap, les personnes en détention, les personnes vivant dans des habitations informelles et les personnes sans domicile fixe.
- Une approche centrée sur les individus pour l’accès aux médicaments doit être maintenue pendant toute la durée de l’épidémie
Alors que les pays et le secteur privé amplifient leurs investissements dans la réponse au COVID-19, les gouvernements doivent s’assurer que les progrès réalisés pour mettre un terme à l’épidémie de SIDA d’ici à 2030 ne soient pas inversés ou en recul en raison du détournement des ressources. Ceci est valable pour toutes les ressources de santé publique mondiales. Le financement d’une épidémie mondiale ne doit pas se réaliser au détriment d’autres services de santé et il est donc nécessaire de s’efforcer de rechercher des financements en dehors des budgets de santé existants.
S’assurer de maintenir l’accès aux services de santé et aux médicaments, en fournissant notamment des prescriptions de médicaments valables plusieurs mois, et continuer à financer et à pourvoir en ressources d’autres services de santé, en particulier les services axés sur les individus pour les plus vulnérables.
- Les limitations de mouvement doivent suivre les principes des droits humains
L’expérience acquise lors de l’épidémie de VIH a indiqué que les restrictions de déplacement globales obligatoires et les limitations de mouvement doivent être soigneusement évaluées. Comme pour le VIH, les personnes qui contractent le COVID-19 peuvent transmettre le virus avant l’apparition des symptômes. Bien que les restrictions de déplacement puissent être applicables dans certains contextes et au cas par cas, le fait d’encourager les individus à se faire dépister, à se mettre en confinement et à se faire tester le cas échéant, et de procéder à la recherche des contacts peut s’avérer plus efficace.
Toute mesure de distanciation sociale et de confinement mise en application, si jugée nécessaire, équilibrée et éclairée par des données probantes, doit prendre en considération les effets qu’elle aura sur les individus et les communautés et être adaptée pour améliorer les conséquences négatives, telles que celles décrites dans la suite de ce document
Les mesures volontaires prises afin de réduire les interactions entre personnes et d’augmenter la distanciation sociale, comme nous l’avons déjà constaté avec le COVID-19, peuvent être efficaces dans la réduction des taux de transmission. Cependant, toute mesure de distanciation sociale et de confinement mise en application, si jugée nécessaire, équilibrée et éclairée par des données probantes, doit prendre en considération les effets qu’elle aura sur les individus et les communautés et être adaptée pour améliorer les conséquences négatives, telles que celles décrites dans la suite de ce document.
- Surveillance et responsabilisation
Les déclarations d’urgences de santé publique peuvent débloquer un pouvoir exécutif significatif. L’un des principes généraux de l’état de droit et des droits de l’homme est que toute action (ou inaction) d’un gouvernement ayant un impact sur les droits des individus doit être révisable par une entité indépendante, telle qu’un tribunal. En cas d’urgence, cela peut être tout particulièrement critique.
En effet, les communautés doivent avoir le pouvoir de remettre en question l’action du gouvernement en cas d’urgence si elles estiment que cette action ne relève pas de la loi, par exemple, parce qu’elle est disproportionnée, discriminatoire ou que l’action n’est pas prise pour les raisons appropriées. Une surveillance indépendante de la réponse, associée à des pistes pour le signalement des abus des droits de l’homme et le redressement de la situation, sont vitales pour s’assurer que la réponse soit conforme aux politiques, aux lois et aux normes en matière de droits de l’homme, et puisse répondre efficacement aux préoccupations et besoins émergents.
C’est en mettant en place ces mécanismes de responsabilisation, tels que les tribunaux examinant les décisions gouvernementales de ne pas déployer un médicament particulier ou ne pas fournir de traitement aux étrangers, que les personnes vivant avec ou vulnérables au VIH ont pu obtenir des gouvernements qu’ils les protègent contre la stigmatisation et la discrimination et qu’ils permettent l’accès aux médicaments vitaux pour les personnes les plus vulnérables.
Une surveillance indépendante de la réponse, associée à des pistes pour le signalement des abus des droits de l’homme et le redressement de la situation, sont vitales pour s’assurer que la réponse soit conforme aux politiques, aux lois et aux normes en matière de droits de l’homme, et puisse répondre efficacement aux préoccupations et besoins émergents
Des mécanismes de responsabilisation clairs doivent être mis en place, ils doivent être facilement accessibles au public et réactifs aux plaintes. Toute mesure prise par le gouvernement doit faire l’objet d’une revue judiciaire et d’une surveillance indépendante.
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