Auteur : Human Rights Watch
Organisation affiliée : Human Rights Watch
Type de publication : Article
Date de publication : 24 mai 2021
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Les victimes et d’anciens responsables gouvernementaux ayant témoigné lors des audiences, qui ont débuté en janvier 2019, ont accusé Jammeh de meurtres et de tortures d’opposants politiques, du massacre d’environ 59 migrants ouest-africains et de « chasses aux sorcières » au cours desquelles des centaines de personnes ont été placées en détention arbitraire, entre autres crimes. Selon eux également, Jammeh a violé et agressé sexuellement des femmes qui lui avaient été présentées et dirigé personnellement un programme médical trompeur dans le cadre duquel des Gambiens séropositifs ont dû renoncer à leur traitement contre le VIH pour être soignés par Jammeh lui-même.
Les auditions de la Commission ont mis en évidence la nécessité d’ouvrir une enquête pénale sur les agissements de Jammeh, qui s’est exilé en Guinée équatorilae en janvier 2017.
Plus de 370 témoins ont été entendus, dont d’anciens membres du gouvernement tels que des ministres et des chefs de la police et du renseignement, outre de nombreuses victimes.
D’anciens membres des « Junglers », l’escadron de la mort d’élite à la solde de Jammeh, ont accusé l’ancien président d’une série de crimes qu’ils affirment avoir commis sur ses ordres, notamment :
- Le meurtre en 2004 d’un rédacteur-en-chef, Deyda Hydara. Le lieutenant Malick Jatta a déclaré à la Commission que le chef des Junglers, Tumbul Tamba, avait donné à chacun de ses membres l’équivalent de $1 250 de l’époque en guise de récompense personnelle de la part de Jammeh.
- Les meurtres en 2013 d’Alhajie Ceesay et Ebou Jobe, deux hommes d’affaires américano-gambiens dont les corps ont été décapités et mutilés. Selon les sergents Omar Jallow et Amadou Badjie, Jammeh a ordonné « qu’ils soient coupés en morceaux ».
- Les meurtres en 2005 d’environ 59 migrants ouest-africains, dont environ 44 Ghanéens. Selon Jallow, le lieutenant-colonel Solo Bojang, chef présumé de l’opération, a déclaré à ses hommes que « l’ordre de… Jammeh est qu’ils doivent tous être exécutés ». Des témoins, y compris d’anciens ministres, ont décrit une vaste opération de dissimulation du massacre pour empêcher les enquêteurs internationaux de découvrir la vérité.
La Commission vérité, réconciliation et réparations a par ailleurs entendu des témoignages sur le soi-disant « programme de soins présidentiel » de Jammeh, dans le cadre duquel des Gambiens séropositifs ont été contraints de renoncer à leurs traitements contre le VIH pour s’en remettre aux soins personnels de Jammeh, une trentaine d’entre eux ayant trouvé la mort.
Au nombre des propositions faites en Gambie à cet égard, figurent la création d’un tribunal « hybride » formé de personnels gambiens et internationaux opérant au sein du système judiciaire national, une juridiction qui pourrait contribuer à un cadre juridique adapté à la poursuite des crimes de l’ère Jammeh et renforcer les capacités de l’appareil judiciaire du pays
La Commission a documenté les meurtres par les forces de sécurité gambiennes les 10 et 11 avril 2000 de 12 à 14 élèves et étudiants qui manifestaient contre le meurtre d’un collégien et le viol d’une collégienne. Lalo Jaiteh, l’ancien aide de camp de Jammeh, a déclaré l’avoir entendu, alors qu’ils se trouvaient tous deux à l’étranger, dire à sa vice-présidente, Isatou Njie Saidy, de « s’occuper de ces salauds d’une manière ou d’une autre ». Saidy aurait alors ordonné le déploiement de troupes contre les manifestants.
La TRRC a en outre entendu des témoignages sur les exécutions extrajudiciaires, commises en 2012, de neuf condamnés à mort incarcérés à la prison centrale de Mile Two, dont au moins trois n’avaient pas épuisé leurs recours judiciaires. Jammeh avait annoncé plus tôt à la télévision que les détenus allaient être exécutés.
La Commission a documenté les meurtres par les forces de sécurité gambiennes les 10 et 11 avril 2000 de 12 à 14 élèves et étudiants qui manifestaient contre le meurtre d’un collégien et le viol d’une collégienne
Des témoignages ont également révélé des cas de torture perpétrés par l’Agence nationale de renseignement (NIA) ainsi que par des gardiens de prison et des Junglers.
L’une des tâches de la TRRC est « d’identifier et de recommander des poursuites contre les personnes qui portent les responsabilités les plus importantes dans les violations et abus des droits humains ». Elle formulera également des recommandations concernant les réparations, la réconciliation et les réformes institutionnelles, son rapport étant attendu pour début juillet. Le gouvernement gambien décidera ensuite de la manière de donner suite à ces recommandations.
Au nombre des propositions faites en Gambie à cet égard, figurent la création d’un tribunal « hybride » formé de personnels gambiens et internationaux opérant au sein du système judiciaire national, une juridiction qui pourrait contribuer à un cadre juridique adapté à la poursuite des crimes de l’ère Jammeh et renforcer les capacités de l’appareil judiciaire du pays. Human Rights Watch a exhorté le gouvernement à commencer de planifier dès à présent la création de ce tribunal hybride qui fonctionnerait conformément aux normes internationales, afin d’éviter les retards de financement et d’opérationnalisation.
Témoignant devant la TRRC, Neneh MC Cham, une avocate active dans la défense des droits humains, a déclaré que le gouvernement devrait « mettre en œuvre chaque recommandation. C’est le dernier espoir de nombreuses victimes et, chaque jour, leur crainte, c’est que tout cela n’aboutisse à rien, à zéro. »
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