Auteur : Blandford Consulting
Organisation affiliée : UNDP
Année de publication : 2016
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Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
L’étude vise à établir l’état des INDH en Afrique, par rapport à leur rôle et leur capacité à promouvoir et à protéger les droits de l’homme. L’étude est basée sur les principes convenus au niveau international sur le statut des institutions nationales (« Principes de Paris »), qui sont largement acceptés comme la référence pour évaluer la légitimité et la crédibilité des INDH. Les principes, approuvés par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993, fournissent aux INDH des lignes directrices claires concernant les compétences et les responsabilités, la composition et les garanties d’indépendance et de pluralisme, les méthodes de fonctionnement, ainsi que des principes supplémentaires sur le statut des commissions ayant des compétences quasi-juridictionnelles.
- Création et supervision
Les Principes de Paris prévoient qu’« une institution nationale doit être investie de compétences afin de promouvoir et de protéger les droits de l’homme. » Les études de cas indiquent que les INDH africaines ont un degré significatif de stabilité et de cohérence dans leurs opérations, avec seulement quelques cas de perturbations de leurs opérations, survenant souvent pendant les périodes de transition, suite à de longues procédures ou de retards dans la nomination de nouveaux membres. D’après les études de cas, la volonté politique, l’insuffisance des financements et l’instabilité politique d’un pays sont également des facteurs clés qui ont un impact sur le bon fonctionnement des INDH africaines.
Lorsque l’existence de l’INDH est par exemple basée sur un décret présidentiel, alors son mandat, ses pouvoirs et son existence dépendent fortement de la volonté de l’exécutif et peuvent être altérés lorsque cela convient à ce dernier. Les Principes de Paris stipulent qu’« une institution nationale doit être dotée d’un mandat aussi large que possible, qui doit être clairement énoncé dans un texte constitutionnel ou législatif et qui définisse sa composition et son domaine de compétence ».
Lorsque l’existence de l’INDH est par exemple basée sur un décret présidentiel, alors son mandat, ses pouvoirs et son existence dépendent fortement de la volonté de l’exécutif et peuvent être altérés lorsque cela convient à ce dernier
La création de 54% des INDH africaines est inscrite dans la Constitution, de façon séparée ou couplée à un décret ou à une loi spécifique. Il est important de noter que bien que les INDH respectent les normes minimales des Principes de Paris quant au fait de disposer de cadres législatifs, il y a des cas où l’exécutif est légalement autorisé à créer de nouvelles réglementations qui peuvent entraîner des changements dans l’environnement juridique de l’INDH. Ceci peut potentiellement amoindrir l’autonomie juridique, les fonctions et les pouvoirs de l’INDH.
- Indépendance
L’efficacité d’une INDH dépend largement de l’existence et de la solidité de facteurs juridiques, financiers, politiques et sociaux particuliers. Ces facteurs comprennent notamment l’existence d’une gouvernance démocratique et si oui ou non l’institution est opérationnellement indépendante du gouvernement du pays dans lequel elle opère.
La documentation disponible sur le sujet indique un certain nombre de problématiques clés qui ont tendance à compromettre l’indépendance et l’efficacité des INDH africaines.
- Une base juridique de l’institution faible, par exemple lorsque l’institution est créée par décrets, comme un décret présidentiel, qui sont plus facilement abrogés ou modifiés, et ne présentent donc pas de véritable garantie pour le maintien ou l’indépendance de l’INDH. En tant que tel, il a été démontré que le fait d’avoir un cadre constitutionnel et/ou législatif solide permet de soutenir l’indépendance des INDH.
- Des limitations structurelles et des mandats restrictifs imposés à une INDH africaine par sa loi habilitante. En outre, une législation mal rédigée et une loi ambiguë sur les pouvoirs et les fonctions des institutions des droits de l’Homme peuvent être un obstacle à la promotion et à la protection des droits de l’Homme par les INDH africaines et leurs fonctionnaires.
L’autonomie opérationnelle signifie la capacité pour une INDH d’exécuter son mandat sans interférence, contrôle, influence ou obstruction extérieure de toute branche du gouvernement, de tout organisme public ou privé ou de toute personne. Les Principes de Paris stipulent qu’une INDH doit être en mesure d’« examiner librement toutes les questions relevant de sa compétence. »
Une législation mal rédigée et une loi ambiguë sur les pouvoirs et les fonctions des institutions des droits de l’Homme peuvent être un obstacle à la promotion et à la protection des droits de l’Homme par les INDH africaines et leurs fonctionnaires
La documentation disponible sur le sujet met en évidence un certain nombre de domaines dans lesquels l’autonomie opérationnelle des INDH africaines a été menacée :
- Plusieurs cas ont été signalés dans lesquels des défenseurs des droits de l’Homme en Afrique ont été harcelés, intimidés, arrêtés arbitrairement et il y a même eu des cas d’assassinat de défenseurs des droits de l’Homme.
- Refuser un financement adéquat est une tactique commune qui a été historiquement utilisée, par laquelle l’Etat et/ou l’exécutif cherchent à exercer un contrôle sur les INDH du continent.
Les mécanismes de nomination sont l’un des moyens les plus efficaces pour garantir l’indépendance des INDH. Les meilleures pratiques exigent l’implication de l’organe législatif et de la société civile lors des nominations, via une « large consultation et un processus de nomination publique des candidats. »
La documentation disponible indique que :
- (…) il y a des cas où la branche exécutive du gouvernement nomme de façon unilatérale les membres de l’institution ; par exemple le Premier ministre nomme le Secrétaire général de la Commission, sans suffisamment de consultation ou de transparence.
- De longs délais dans les processus de nomination et de reconduction des mandats des membres des INDH sont un défi majeur qui affecte l’efficacité et l’indépendance de l’institution.
- Financement
Les Principes de Paris stipulent que « l’institution nationale doit disposer d’une infrastructure adaptée à la bonne conduite de ses activités, en particulier un financement adéquat. Le but de ces fonds doit être de lui permettre de disposer de son propre personnel et de locaux, afin d’être indépendante du gouvernement et de ne pas être soumise à un contrôle financier qui pourrait compromettre son indépendance. »
Certaines INDH africaines ont déclaré avoir souffert de réductions budgétaires pour avoir critiqué le gouvernement
Les budgets des INDH sont insuffisants dans de nombreux pays africains. Plusieurs experts identifient la limitation des ressources comme l’un des facteurs clés, aux côtés d’une compétence restreinte et de faibles pouvoirs d’enquête, ce qui rend les institutions « automatiquement inefficaces ». La documentation indique également que certaines INDH africaines ont déclaré avoir souffert de réductions budgétaires pour avoir critiqué le gouvernement.
Dans l’ensemble, les financements des INDH en Afrique sont insuffisants.
- Les budgets vont de moins de 10 000 USD60 à plus de 10 000 000 USD. Ils sont en moyenne nettement inférieurs aux budgets des INDH à travers le monde. A l’exception du Nigéria et de l’Afrique du Sud (les deux plus grandes économies en Afrique), qui possèdent également les plus gros budgets des INDH, bien que de façon disproportionnée, il n’y a pas de relation directe entre la taille du budget d’une l’INDH africaine et le produit intérieur brut (PIB) de son pays.
- Il n’y a pas de relation proportionnelle directe entre la population du pays et le montant du budget de son INDH. Par exemple, le Nigéria, dont la population est plus de trois fois plus importante que celle de l’Afrique du Sud, dispose d’un budget inférieur à ce dernier. L’INDH du Kenya dispose du double du budget de l’INDH de la Tanzanie, bien que sa population soit légèrement plus petite.
- Les données suggèrent que d’autres facteurs au sein de l’environnement macroéconomique puissent jouer un rôle plus important dans la détermination des budgets des INDH africaines.
L’écart entre le budget demandé et le budget accordé par le gouvernement a un impact significatif sur la capacité des institutions à exécuter efficacement leur mandat, y compris les enquêtes et le traitement des plaintes. Cette situation est problématique, car en raison de contraintes budgétaires, les membres du personnel de plusieurs INDH de l’échantillon effectuent plus de travail de bureau que de travail de terrain. En outre, l’insuffisance des budgets des INDH conduit à utiliser le budget pour couvrir les coûts administratifs plutôt que pour financer les programmes nécessaires à la réalisation du mandat principal de l’INDH.
L’écart entre le budget demandé et le budget accordé par le gouvernement a un impact significatif sur la capacité des institutions à exécuter efficacement leur mandat, y compris les enquêtes et le traitement des plaintes
- Capacité
En conformité avec les Principes de Paris, les INDH sont supposées disposer de la capacité et de l’aptitude nécessaires pour exécuter leur mandat de promotion et de protection des droits de l’Homme dans leur compétence requise. Cela nécessite que les INDH disposent d’un personnel diversifié ayant les compétences et les connaissances professionnelles requises en matière des droits de l’Homme, ainsi que d’une structure organisationnelle qui permet l’utilisation la plus efficace des ressources, du budget et des pouvoirs des INDH. Les études de cas révèlent que le recrutement dans les INDH est entravé lorsque le gouvernement restreint généralement le recrutement dans les institutions de l’État. Dans de telles circonstances, tout recrutement proposé nécessite l’approbation de la branche exécutive du gouvernement.
Dans certaines INDH africaines, il n’y a pas de services pour traiter les plaintes, même si l’institution dispose du mandat légal de le faire et, par conséquent, les victimes de violations des droits de l’Homme cherchent habituellement réparation à travers le système judiciaire ordinaire
Le leadership des INDH est crucial pour leur efficacité, leur crédibilité, la perception du public et leurs relations avec les autres parties prenantes, notamment le gouvernement, la société civile et le grand public. Alors que des rapports antérieurs soulignent la solidité de la direction démontrée par les dirigeants de certaines INDH africaines, certaines critiques des INDH africaines proviennent toutefois de questions relatives au leadership.
Par exemple, certains experts ont formulé leurs préoccupations à propos des personnes nommées dans les INDH qui sont politiquement biaisées, des dirigeants des INDH qui utilisent leurs positions comme effet de levier pour de futures nominations gouvernementales, ainsi que des plaintes concernant l’incompétence et l’inaptitude. Il y a également eu des cas d’allégations de détournement de fonds par les dirigeants des institutions nationales africaines.
Les Principes de Paris stipulent qu’une INDH peut être habilitée à recevoir et examiner des plaintes et requêtes concernant des situations individuelles des droits de l’Homme. Dans certaines INDH africaines, il n’y a pas de services pour traiter les plaintes, même si l’institution dispose du mandat légal de le faire et, par conséquent, les victimes de violations des droits de l’Homme cherchent habituellement réparation à travers le système judiciaire ordinaire.
Dans certains cas, en particulier en ce qui concerne les institutions hybrides qui ont des responsabilités plus larges, l’INDH peut être incapable de gérer pleinement et de manière efficace des plaintes en raison de limitations de capacités et de financement. Les études de cas montrent qu’il est beaucoup plus facile pour les INDH d’assurer des recours et des réparations aux victimes là où il y a des garanties et des procédures constitutionnelles et/ou législatives claires en matière de réparation des violations des droits humains dans le pays.
- Implication des parties prenantes
Les Principes de Paris soulignent l’importance de l’engagement continu des INDH avec un éventail de parties prenantes aux niveaux national, continental et international. Les INDH africaines, à des degrés divers, dialoguent avec les gouvernements en vue d’adopter et d’harmoniser les recommandations des organes conventionnels internationaux. Les INDH fournissent également des conseils sur les droits de l’Homme au gouvernement et au parlement. Un défi évident qui se présente aux INDH de l’échantillon est leur niveau d’engagement avec le grand public qui est important pour être en mesure de sensibiliser, éduquer et recevoir des plaintes.
Au niveau continental, les Principes de Paris exigent aux INDH de coopérer avec les institutions régionales et les institutions nationales d’autres pays qui sont compétentes dans les domaines de la promotion et de la protection des droits de l’Homme. En plus d’être membres de réseaux tels que le RINADH (Réseau des institutions nationales africaines des droits de l’homme), les INDH africaines ont historiquement interagi avec la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) en assistant aux séances visant à aider la CADHP dans la protection et la promotion des droits de l’Homme.
Les INDH africaines participent activement au système international des droits de l’Homme conformément aux Principes de Paris, qui exigent des INDH de coopérer avec les Nations Unies (ONU) et avec les organisations du système des Nations Unies, par exemple, le Conseil des droits de l’Homme et ses mécanismes. La majorité des institutions nationales africaines coopèrent avec l’Examen périodique universel de l’ONU (EPU), un processus chargé d’évaluer la situation des droits de l’Homme dans l’ensemble des Etats membres de l’ONU. Le processus de l’EPU tire un avantage de la participation des INDH africaines, notamment en termes de suivi et de rapports.
- Approche de la prestation de services et de développement fondée sur les droits
L’approche fondée sur les droits de l’Homme (HRBA) consiste à intégrer les standards et les normes du système international des droits humains en vue de l’amélioration des politiques publiques. Cette approche est de plus en plus adoptée dans le monde entier par les organisations multilatérales et les gouvernements nationaux en vue de promouvoir le développement.
Les analystes indiquent qu’un défi important à la mise en œuvre de cette approche est que les principes internationaux des droits humains ne renseignent pas les pays sur les politiques précises à appliquer pour améliorer la situation des droits de l’Homme. En tant que tel, les INDH africaines ont besoin d’entreprendre une analyse complète des besoins dans leur propre pays afin d’identifier les schémas de préjugés, de ségrégation, d’impunité et d’impuissance.
Malgré que la HRBA de la prestation des services soit un concept relativement nouveau, la documentation indique que certaines INDH africaines intègrent cette approche dans le cadre de leurs programmes et activités. C’est le cas du Ghana et de l’Ouganda, où les INDH de ces pays contribuent à un développement endogène en favorisant l’inclusion et l’autonomisation des groupes les plus marginalisés et exclus de la société pour aider à améliorer leurs vies.
En outre, les études de cas montrent que les INDH doivent avoir de solides promoteurs de la HRBA auprès des organismes gouvernementaux concernés, ainsi que la capacité technique et financière pour la mise en œuvre effective. De plus, les expériences des INDH de l’échantillon indiquent que l’intégration de la HRBA de la prestation de services et de développement est un processus qui prend du temps, en particulier en termes de la durée nécessaire à l’INDH pour l’examen intégral, la maitrise et la mobilisation des parties prenantes en faveur des plans et politiques de développement proposés.
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