Auteur : La Rédaction
Organisation affiliée : Media Foundation for West Africa
Type de publication : Rapport
Date de publication : Décembre 2020
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Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.
Depuis le 10 juin 2020, trois nouvelles personnes ont rejoint l’organe de régulation des médias de Mauritanie, composé de neuf membres, la Haute autorité de la presse et de l’audiovisuel (HAPA). Parmi les nouveaux venus figurent l’actuel président, Houssein Ould Medou, Abdallah Dieng et Mamoudou SY, doyen de l’association des journalistes de la presse écrite et ancien président du Regroupement de la Presse Mauritanienne (RPM), l’organisation partenaire de la MFWA en Mauritanie.
Alors que la nouvelle équipe se met au travail, la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) porte à son attention un certain nombre de questions relatives à la liberté de la presse et au développement des médias et recommande de leur accorder une attention prioritaire.
Pour de nombreux analystes de la liberté de la presse et d’expression en Mauritanie, la nouvelle équipe devra retrousser ses manches pour redonner l’image de l’institution. Ceci pour la simple raison que la HAPA est considérée à tort ou à raison comme une entité utilisée par l’exécutif comme un outil répressif contre les médias. Pour changer cette perception, il y a de nombreux défis à relever afin de contribuer à la promotion de la liberté des médias et d’expression en Mauritanie, qui sont essentiels pour renforcer les principes démocratiques et l’État de droit.
- Liberté de la presse et d’expression
Deux semaines après la nomination de Houssein Ould Medou à la présidence de la HAPA, l’Assemblée nationale mauritanienne a approuvé le 24 juin une nouvelle loi jugée répressive et liberticide pour les réseaux sociaux. L’adoption de la nouvelle loi a suscité des critiques tant de la part des partis d’opposition au parlement que des militants des droits de l’homme qui ont relevé plusieurs «ambiguïtés» et «inexactitudes». Cette loi, lorsqu’elle entrera en vigueur, imposera une peine de prison de trois mois à cinq ans, avec des amendes de 50 000 Mru (150 $) à 200 000 Mru (600 $).
Un autre problème affectant la liberté de la presse est la tentative d’intimider et de museler les médias critiques. Malgré des tentatives de médiation, le 13 novembre 2020, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Isselkou Ould Izidbich, a poursuivi en justice le journaliste Sidi Mohamed Ould Bellameche, directeur du site Mourassiloun. L’ancien ministre et ambassadeur a condamné le journaliste pour avoir publié un article sur sa rencontre avec l’actuel président Mohamed Ould Cheikh Ghazouani.
De nombreux autres journalistes ont été sévèrement harcelés, agressés et parfois brutalisés, arrêtés et détenus dans l’exercice de leurs fonctions en Mauritanie.
Entre le 22 et le 26 janvier 2020, le blogueur Mohamed Ali Ould Abdel Aziz et les journalistes Abdou Ould Tajeddine et Cheikh Ould Mami ont été arrêtés et détenus pour avoir publié une vidéo sur les réseaux sociaux critiquant le président Mohamed Cheikh El Ghazouani et son gouvernement. Outre le cas du blogueur Ould Abdel Aziz et des journalistes Tajeddine et Mami, de nombreux autres journalistes ont été sévèrement harcelés, agressés et parfois brutalisés, arrêtés et détenus dans l’exercice de leurs fonctions en Mauritanie.
Par exemple, le 15 juillet 2019, Ahmed Ould Wedia, journaliste à la chaîne de télévision privée Al-Mourabitoune, a été arrêté et détenu pendant 12 jours. Le 24 juillet 2019, Camara Seydi Moussa, directrice de la publication du journal La Nouvelle Expression a été arrêtée, détenue puis relâchée après plusieurs jours de détention.
- Médias et Covid-19
Le cas le plus effroyable de répression de la liberté d’expression en Mauritanie a été l’emprisonnement controversé de Mohamed Ould Mkheitir, condamné à mort pour blasphème en janvier 2014 pour une publication sur Facebook. Il n’a été libéré que le 29 juillet 2019 malgré un tribunal ayant ordonné sa libération plus tôt.
Un autre incident qui a déclenché une répression de la liberté d’expression est l’épidémie du coronavirus. La pandémie COVID-19 a contribué à la répression de la liberté d’expression dans le pays. Le 3 mai 2020, le blogueur Mommeu Ould Bouzouma a été arrêté et détenu pendant 12 jours avant d’être libéré pour avoir tweeté sur la pandémie.
Le cas le plus effroyable de répression de la liberté d’expression en Mauritanie a été l’emprisonnement controversé de Mohamed Ould Mkheitir, condamné à mort pour blasphème en janvier 2014 pour une publication sur Facebook
Le 2 juin, la police a arrêté Salma Mint Tolba, l’auteur présumé d’une série d’enregistrements audio remettant en question certains aspects de la réponse du gouvernement au COVID-19. Elle avait notamment accusé les autorités d’augmenter le nombre d’infections. Deux autres personnes, Mohamed Ould Semmane et Sidi Mohamed Ould Beyah, soupçonnées d’avoir participé à la diffusion de l’audio, ont également été arrêtées.
- Question du soutien de l’État à la presse
Une autre préoccupation à laquelle la HAPA devrait prêter attention est la distribution du Fonds d’aide publique à la presse privée. En Mauritanie, comme la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest, les organes de presse ont du mal à joindre les deux bouts, une situation aggravée par la pandémie COVID-19. Le budget global de 240 millions de MRO, soit plus de 550 000 euros d’aides d’État à la presse, est censé représenter un répit pour la presse.
Cependant, de l’avis des professionnels des médias, ce montant ne compte pas beaucoup, en raison de la «prolifération des journaux» et des sites électroniques. Pire, 30% de cette subvention de l’Etat va directement à l’Imprimerie nationale où tous les journaux sont imprimés. Cette situation affecte également l’indépendance des médias pour aborder les questions critiques de gouvernance et pour demander des comptes au gouvernement.
En conséquence, les journaux ont cessé de paraître dans les kiosques et le gouvernement a demandé à Chaab et Horizons, les deux journaux publics de publier leur contenu sur Internet via le site Web de l’Agence mauritanienne d’information (AMI).
- D’autres défis
Face à la pandémie COVID-19, le soutien de l’État est insuffisant, la viabilité de la presse s’est encore rétrécie. Les publicités se sont réduites à un filet. En plus de la question de la viabilité médiatique, HAPA devra faire face aux publications tentaculaires, dont une grande partie reste fictive. Il est donc important de prendre en compte les différents supports de publication qui existent réellement pour rationaliser la distribution des fonds de soutien de l’Etat et améliorer le paysage médiatique.
Au vu des nombreux défis auxquels sont confrontés les journalistes en Mauritanie, le rôle de la médiation est un point que la nouvelle équipe devrait également aborder
Un autre projet que la nouvelle équipe HAPA devrait poursuivre avec vigueur est l’accès à l’information des populations dans les langues nationales. Le journal en langue pulaar «Fooyre Bamtaare», seule publication en langue nationale, a été visité par HAPA et la couverture en langue locale a été renforcée. Au vu des nombreux défis auxquels sont confrontés les journalistes en Mauritanie, le rôle de la médiation est un point que la nouvelle équipe devrait également aborder.
Cela permettra d’éviter des poursuites inutiles contre des journalistes devant les tribunaux et de promouvoir la résolution à l’amiable des litiges. Cette disposition est garantie par l’article 7 de la loi instituant la HAPA pour contribuer «à la résolution non judiciaire des conflits entre les médias et entre les médias et le public».
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