Comprendre la transition au Tchad, Thinking Africa, 2021

Auteur : Evelyne TARYAM

Organisation affiliée : Thinking Africa

Type de publication : Article

Date de publication : Mai 2021

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Le 20 avril 2021, les tchadiens ont appris avec effroi, la mort subite de leur président, le Maréchal Idriss Deby Itno (MIDI) suites de blessures reçues sur le champs de bataille alors qu’il commandait ses troupes contre une horde de rebelles du Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (FACT) dans la province du Kanem, si l’on s’en tient aux sources officielles. Cette disparition brutale et tragique du président Idriss Deby Itno a suscité bien d’inquiétude au sein de la population tchadienne et même au-delà des frontières Tchadiennes.

En effet, soulignons qu’au niveau national, les périodes préélectorales et électorales ont été marquées par de vives tensions dans la mesure où on a assisté à l’exclusion des figures clés des leaders des partis de l’opposition du processus électoral. Au niveau régional et international l’engagement du Tchad, à travers le Maréchal, pour la lutte contre le terrorisme dans le Sahel et le Bassin du Lac Tchad laisse perplexe ses différents partenaires africains et occidentaux ( français et américains en particuliers).

(…) c’est juste le lendemain de la proclamation des résultats provisoires des élections présidentielles, qu’officiellement on annonce le décès du président. Devant ce vide laissé par la disparition du MIDI, et craignant que le pays renoue avec les démons de l’instabilités politiques qui avaient caractérisés le paysage politique jusqu’en 1990, date de la prise du pouvoir par Idriss Deby, l’armée s’en part du pouvoir.

Contre toutes les dispositions pertinentes de la dévolution du pouvoir en matière de vacance de poste du président de la République contenues dans la constitution, les tchadiens assistent à une succession héréditaire à la magistrature suprême

Elle a déclaré publiquement la mise en place d’un Conseil Militaire de Transition (CMT), composé de quinze (15) membres de l’Armée Tchadienne. Contre toutes les dispositions pertinentes de la dévolution du pouvoir en matière de vacance de poste du président de la République contenues dans la constitution, les tchadiens assistent à une succession héréditaire à la magistrature suprême. Mahamat Idriss Déby Itno, fils d’Idriss Déby Itno, sera imposé comme président du CMT. Justifiant sa prise de pouvoir, la junte défend sa posture par les problèmes de sécurité de la région notamment l’instabilité dans le bassin du lac Tchad, au Sahel et l’invasion imminente de N’Djamena par les rebelles du FACT. On avance par ailleurs que le Président de l’Assemblée nationale aurait refusé d’accepter la succession établie selon la norme constitutionnelle.

Peu après sa création, le CMT présidé par Mahamat Idriss Deby Itno a promulgué une Charte de la Transition, laquelle charte prévoit une période de Transition de 18 mois renouvelable une fois. Dans la foulée, la Constitution a été suspendue, le gouvernement dissout de même que l’assemblée nationale, les frontières sont fermées temporairement ainsi l’instauration d’un couvre-feu participent des premiers faits d’armes du CMT. Toutes ces mesures ont été levées quelques jours après un rétropédalage du CMT.

La nomination des membres du gouvernement a obéi à la logique clanique, familiale et tribale, pratiquée depuis par le défunt président MIDI

Bien que cette succession héréditaire reste contestée par une bonne partie des tchadiens (comme en témoignent les manifestations du 27 avril 2021 violemment réprimées par les forces de défense et de sécurité) la communauté internationale surtout la France, voit d’un œil complice et soutient tacitement la succession héréditaire du pouvoir au nom de la stabilité régionale.

Conscient du soutien indéfectible de la France, comme l’a si bien dit le Président Français Emmanuel Macron lors des obsèques de MIDI, la junte déroule sereinement et tranquillement ses activités en nommant le 02 mai 2021, Pahimi Padacke Albert comme Premier Ministre . Cette nomination vient sonné le glas de tous ceux et celles qui aspirent à un changement après la disparition du MIDI. C’est une douche froide. La nomination des membres du gouvernement a obéi à la logique clanique, familiale et tribale, pratiquée depuis par le défunt président MIDI.

De peur qu’une condamnation du Tchad amènerait les nouvelles autorités politiques, la junte, à se désengager dans la lutte contre le terrorisme au Sahel en rapatriant ses troupes, on préfère sacrifier le peuple tchadien au profit de la stabilité et de l’équilibre régionale

L’UA, contrairement au précèdent Malien, ne condamne pas le Tchad, mais préfère plutôt accompagner la junte (sic!). La position de chauve-souris dans laquelle se trouve aujourd’hui l’UA face à la crise Tchadienne s’explique par plusieurs facteurs au rang desquelles figurent :

  • Le président de la Commission africaine, Moussa Faki Mahamat, proche parent du pouvoir. Il a été ministre des Affaires étrangères, Premier Ministre. Il se voit mal en train de se tirer la balle aux pieds en condamnant ses frères. Après tout, il rentrera au pays, et qui sait, s’il ne se positionne pas pour la magistrature suprême. Il doit ménager les siens ;
  • De peur qu’une condamnation du Tchad amènerait les nouvelles autorités politiques, la junte, à se désengager dans la lutte contre le terrorisme au Sahel en rapatriant ses troupes, on préfère sacrifier le peuple tchadien au profit de la stabilité et de l’équilibre régionale ;
  • Les élections s’approchent en France, et le pouvoirs risquerait de subir les critiques pour n’avoir pu stabiliser le sahel et entrainer la mort de plusieurs soldats français. Afin de couper l’herbe au pieds des détracteurs, les autorités politiques françaises envisagent de quitter le Sahel, alors il faut trouver un remplaçant. On compte sur le Tchad pour assurer le rôle puisqu’il le fait déjà si bien.

 

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