Afrique subsaharienne, il faut protéger les détenus exposés au COVID-19, désengorger les prisons et libérer les prisonniers d’opinion, Amnesty International,2020

Auteur :  Amnesty International

Type de publication : Article

Date de publication : Avril 2020

Lien vers le document original


Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.


 

En Afrique subsaharienne, les autorités doivent agir de toute urgence afin de protéger les personnes détenues contre le COVID-19, notamment en libérant les prisonnières et prisonniers d’opinion, en réexaminant les dossiers des personnes placées en détention provisoire et en assurant l’accès aux soins de santé et aux produits sanitaires dans tous les centres de détention, a déclaré Amnesty International le 20 avril 2020.

« Alors que le COVID-19 se propage en Afrique subsaharienne, la forte surpopulation constatée dans la plupart des prisons et centres de détention risque de se traduire par une catastrophe sanitaire, aggravée par la pénurie généralisée de soins de santé et d’installations sanitaires », a déclaré Samira Daoud, directrice pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnesty International.

Le fait de libérer immédiatement et sans condition les prisonniers et prisonnières d’opinion fera de la place dans ces structures et contribuera à protéger les détenu·e·s et le personnel contre le virus »

« Dans de nombreux pays de la région, une forte proportion de la population carcérale se trouve derrière les barreaux uniquement pour avoir exercé de manière pacifique ses droits humains. Non seulement c’est la bonne décision à prendre, mais le fait de libérer immédiatement et sans condition les prisonniers et prisonnières d’opinion fera de la place dans ces structures et contribuera à protéger les détenu·e·s et le personnel contre le virus ». Dans les pays d’Afrique subsaharienne, la détention provisoire est utilisée de manière excessive et à titre de châtiment. Au Sénégal, avant la libération de prisonniers annoncée en mars 2020, le pays comptait 11 547 personnes incarcérées dans 37 prisons totalisant une capacité de 4 224 places.

  • Journalistes, défenseur·e·s des droits humains, étudiant·e·s

Dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, il est coutumier de détenir de manière arbitraire des personnes parce qu’elles exercent ou défendent les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique ou d’association, ce qui contribue à la surpopulation carcérale. Amnesty International a mis en lumière la terrible situation de plusieurs prisonniers et prisonnières d’opinion, désormais exposés à la menace bien réelle du COVID-19 en prison. Il s’agit notamment des personnes suivantes :

Au Bénin, le journaliste Ignace Soussou a été condamné le 24 décembre 2019 à 18 mois d’emprisonnement pour « harcèlement par le biais de moyens de communication électronique » pour avoir relayé sur Twitter des propos attribués au procureur général, qui avait pris la parole lors d’une conférence organisée par l’agence de coopération Canal France International (CFI).

Il est coutumier de détenir de manière arbitraire des personnes parce qu’elles exercent ou défendent les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique ou d’association, ce qui contribue à la surpopulation carcérale

Au Cameroun, trois étudiants, Fomusoh Ivo Feh, Afuh Nivelle Nfor et Azah Levis Gob, ont été condamnés à 10 ans de prison pour « non-dénonciation d’informations liées au terrorisme », après avoir relayé par texto une blague sur Boko Haram. Parmi les personnes toujours détenues pour avoir manifesté pacifiquement soit contre les fraudes présumées lors de l’élection présidentielle de 2018, soit en faveur des droits économiques et sociaux dans les régions anglophones, citons le cas de Mancho Bibixy Tse. Interpellé le 9 janvier 2017, il a été condamné le 25 mai 2018 par un tribunal militaire à une peine de 15 ans de prison pour « terrorisme », uniquement parce qu’il avait manifesté sans violence contre la marginalisation des Camerounais anglophones.

Au Tchad, Martin Inoua, directeur du journal privé Salam Info, a été condamné à une peine de trois ans de prison en septembre 2019 pour diffamation, accusation calomnieuse et association de malfaiteurs, après avoir publié un article dans lequel il relayait les propos d’une personne accusant une ancienne ministre d’agression sexuelle. Il était initialement poursuivi pour diffamation suite à une plainte de la ministre.

« Il est très inquiétant qu’un si grand nombre de personnes ayant exercé pacifiquement leurs droits humains se retrouvent aujourd’hui confrontées au risque potentiellement mortel de contracter le COVID-19 dans les prisons africaines

En Guinée, des militants du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) sont détenus de manière arbitraire pour avoir manifesté pacifiquement contre un projet de réforme constitutionnelle qui permettrait au président Alpha Condé de briguer un troisième mandat et contre la tenue d’un référendum constitutionnel le 22 mars 2020.

« Il est très inquiétant qu’un si grand nombre de personnes ayant exercé pacifiquement leurs droits humains se retrouvent aujourd’hui confrontées au risque potentiellement mortel de contracter le COVID-19 dans les prisons africaines. Elles doivent être libérées sans plus tarder », a déclaré Deprose Muchena.

  • Opposant·e·s politiques et détracteurs du gouvernement

Au Congo, quatre partisans du mouvement d’opposition Incarner l’Espoir, Parfait Mabiala, Franck Donald Saboukoulou Loubaki, Guil Miangué Ossebi et Meldry Rolf Dissavoulou, ont été inculpés d’atteinte à la sécurité de l’État et sont maintenus en détention arbitraire depuis des mois. Les opposants politiques et candidats à l’élection présidentielle de 2016 Jean-Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa ont été condamnés pour atteinte à la sécurité intérieure de l’État en 2018 et sont maintenus en détention arbitraire depuis.

Au Soudan du Sud, le Service de sécurité nationale détient de manière arbitraire, sans inculpation, des centaines, voire des milliers, d’opposant·e·s présumés du gouvernement, de journalistes et de membres de la société civile, depuis que le conflit a éclaté en 2013. Ils dépendent de leur famille pour ce qui est de se procurer de la nourriture, ce qui pour beaucoup n’est plus tenable désormais, en raison des restrictions liées au COVID-19.

La propagation du coronavirus COVID-19 est un problème de santé publique, qui n’épargne pas les prisons ni les centres de détention. Réduire le nombre de personnes détenues doit faire partie intégrante, et ce de toute urgence, de la réponse apportée par les États à cette crise

Au Togo, les détentions de Kpatcha Gnassingbé, demi-frère du Président Faure Gnassingbé, le Commandant Atti Abi et le Capitaine Dontéma Kokou Tchaa, condamnés pour crimes contre l’État et rébellion lors d’un procès inéquitable en 2011, sont qualifiées depuis 2014 d’arbitraire par le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire. Ils étaient toujours en détention durant le mois d’avril malgré l’engagement des autorités à coopérer pleinement avec les procédures spéciales des Nations unies.

« La propagation du coronavirus COVID-19 est un problème de santé publique, qui n’épargne pas les prisons ni les centres de détention. Réduire le nombre de personnes détenues doit faire partie intégrante, et ce de toute urgence, de la réponse apportée par les États à cette crise. Ils doivent commencer par libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes qui n’auraient jamais dû passer un seul jour derrière les barreaux », a déclaré Samira Daoud.

 

Commenter